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jeudi, juin 15, 2006
243. Un peu désordonne, aujourd'hui...
"Salut John,
Quelques remarques que m'inspirent tes derniers posts.
L'histoire de l'empire des sens se passe dans les années 30, et donc contrairement à ce que tu dis, il ne me semble pas que le Japon sorte de la guerre, il va au contraire bientôt la déclarer à la Chine. Mais ça n'empêche que ce que tu dis d'autre ensuite est vrai: ce film est clairement un manifeste contre les traditions patriarcales (et donc machistes) du Japon, de même que contre certains de ses choix politiques.
Il y a d'ailleurs une scène très symbolique dans le film, tu en as peut-être déjà entendu parler: à un moment, le héros remonte une rue, tandis qu'un défilé militaire a lieu. Or le héros marche dans le sens inverse des soldats. Ainsi, de même que Sada, il vit de façon contestataire et cherche un bonheur au delà des règles strictes et de la recherche de succès nationale (tant économique , que militaire) de sa société pour se consacrer à un idéal purement personnel.
Autrement, c'est drôle parce que j'ai vu tout récemment Théorème, et je dois avouer que j'ai trouvé cela extrêmement barbant (contrairement à d'autres films du maître italien). Donc là y'a pas à dire, la version B Root est plus sympa :)
En tout cas ça fait plaisir de te voir parler de l'Empire des sens à nouveau, ça ne peut qu'être bon signe malgré ton passage à vide du moment, signe d'un besoin de réflexion intérieure. Même si on dirait pas, y'a toujours quelque chose qui mûrit peu à peu en nous dans ces moments là.
Le fait de jouer avec des acteurs professionnels est sans doute ce qui est le plus important dans la réussite de ce genre de films. Aussi c'est peut-être ce qu'il te faudrait songer à faire une fois, même si c'est pour perdre au niveau de la qualité purement sexuelle, le film y gagnerait forcement en intensité dramatique (parce que quand même , les acteurs dans French Beauty ou XYZ jouaient plutôt mal les scènes de comédie, hormis certains tels l'hénaurme HPG, Titof ou Ovidie..)
Amicalement
Thibaut"
C'est vrai que, dans mes pornacs, on patauge quelquefois en plein théâtre de patronnage. Les pires exemples sont certainement Sex Dreamers et Concupiscence. Mea culpa. Je ne pense pas, contrairement à Thibault, que le professionnalisme des acteurs soit en cause. Avec plus de temps, plus de prépa, plus de répètes et, pourquoi pas, plus de post-synchro, je suis certain qu'on peut faire jouer juste n'importe qui. Mais dans les conditions de tournage qui sont les nôtres, parfois, une prise est le maximum qu'on puisse s'offrir parce qu'il faut enchaîner. Dans "French Beauty", il y a 60 séquences. Dans "Inkorrektes", il y en a une cinquantaine, qu'il faut mettre en boîte en 5 jours. La clé, c'est le temps. Le luxe du cinéma, c'est de pouvoir s'en offrir.
Ovidie dans "French Beauty"? Mince alors, je ne l'avais pas remarquée... Non, Ovidie n'a joué, pour moi, que dans XYZ. Comme ensuite, elle a parcouru les médias en me cassant du sucre sur le dos, j'ai arrêté l'expérience. Je ne suis pas maso.
Passage à vide ? Non. Période de solidification. Réflexion intérieure ? Ben oui. C'est plus facile qu'une réflexion extérieure. Sûr.
Allez, changeons de sujet. Je reçois, à peu près quotidiennement, des fiches castings envoyées par internet. La semaine dernière, j'en reçois une avec la photo d'une très belle fille avec ce message:
"Bonjour, je suis actuellement en licence de lettre Modernes et j\'aimerai tester de faire un film X. Je suis debutante dans ce domaine car je n\'ai jamais tourné. C\'est en quelque sorte une experience que j\'aimerais mener. Voila, si je vous conviens envoyez moi un mail"
J'appelle. Faux numéro. J'écris pour demander un numéro valable et je reçois cette réponse:
"Est ce que vous etes serieux , en fait j'ai peur que cela soit faux. J'ai tellement entendu parler de casting qui etait faux que je me mefie. Je n'aimerai pas faire un casting X d'autant plus si je me fais berner. Ainsi j'ai quelques questions : comment se passe le casting ? quelles sont les conditions ? faudra t'il que je tourne une scene lors du casting ? si oui avec qui.
Merci de me repondre et de me rassurer sur votre professionalisme.
Desolé d'avoir donné un faux numero mais comme je vous ai dis j'ai peur de tomber sur un faux casting. Je vous donnerai mon vrai numero une fois que je serai rassurée.
C."
J'ai écrit qu'elle pouvait avoir confiance. Que je ne la ferai tourner que lorsqu'on aura bien défini ensemble ce qu'elle souhaitait faire ou non, qu'elle ne ferait, chez nous, que ce qu'elle avait envie de faire. Et qu'on ne tournait JAMAIS lors de la première rencontre.
Je comprends parfaitement sa méfiance. Elle a raison. Mais j'espère l'avoir convaincue. Parce que, sur la photo, elle était beeeelle !
Une photo, une photo!
Ah oui, pardon...
Hop.
Sonja dans le bain, après la scène avec les deux garçons... toute la douceur du monde.
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Ding dong, vous avez du courrier.
C'est Jack Tyler qui m'écrit à propos de mon post d'hier. Voyons voir:
"Salut John,
petite mise au point: à mon sens, "Eloge de la chair" est 10 fois plus réussi que "Propriété privée"... mais c'est une question de goût, et je sais que tu adores Rohmer... Pas moi.
"Eloge de la chair" c'est du vrai cinéma. C'est un film âpre, tendu, réellement habité, qui relève du miracle - à condition de faire abstraction de ces deux OVNI que sont Héléna Karel et Loïc Luke... Pour le reste, les scènes de cul s'intègrent parfaitement au récit et résultent du désir des personnages, de leur psychologie... et pas des hasards du plan de travail.
Le personnage créé par Katy Caro en est un exemple parfait et prouve bien que le cinéma est plus fort que tout... Katy ne prononce pas un mot, mais son regard, son attitude, nous disent tout de ce qu'elle ressent.
Tout ça pour dire que c'est avant tout le cinéma qui m'intéresse là-dedans... Et "Eloge de la chair", bordel, c'est du cinéma!
Pourquoi le sexe et les relations homme/femme ne pourraient-ils pas être un sujet de cinéma abordé de façon frontale, naturaliste, mais sans omettre la part mystique et poétique, magique, qu'ils recèlent, tu le sais aussi bien que moi... Ce qu'il faut, c'est trouver le sentiment de la scène, diriger les comédiens, leur faire confiance...
Bon, ça se passe sur le fil, et quand je tourne, je sens ce fil sous mes pieds, mais bon...
La camera me donne un tel pouvoir... J'en chialerais presque, de ce que j'obtiens de mes acteurs et actrices...
Putain, tu ne vas pas me dire que Terri Summers ne t'a pas fait frissonner! Ou Katy! Et Tiffany, t'as déjà vu une scène de DP aussi honnête et en même temps volontairement débridée? Bouleversante? Le désir était réel, là, concret... La fièvre... Le lit en feu... C'est sans doute cette scène-là que tu trouves gonzo... C'est presque insultant pour mon travail, parce que c'est mis en scène, il y a une putain d'approche en amont, même si ça ressemble à l'arrivée à du live
- c'était mon but... Je voulais arracher de la vérité...
Bon, tout ça pour dire que je ne peux travailler qu'avec des garçons et des filles qui ont envie d'interpréter quelque chose...
Parce qu'au bout du compte, le porno c'est du faux sexe, tu le sais bien...
Alors ce qui me reste, et ce qui me fait kiffer, ce que je recherche, c'est l'intensité inouïe dégagée lors de la scène, l'alchimie géniale entre les filles, les mecs et moi, alchimie créée par la mise en scène et par elle seule...
Vive le cinéma!
Respectueusement,
Jack Tyler"
Oh le beau, le dense, le vrai courrier! Merci. Et je t'approuve à deux mille pour cent quand tu parles de tes actrices, Tiffany en tête.
Putain, la quantité d'amour qu'il faut injecter dans ce boulot, le nôtre, filmeur de plaisir, pour obtenir quelques étincelles...!
Amitiés, Jack. Et whisky quand tu veux... Mais est-ce que tu bois?
PS: je n'adore pas du tout Rohmer. Ce sont des journalistes en mal de copie qui m'on surnommé, après XYZ, le "Rohmer du X". C'est une absurdité.
//// bavé par John B Root @ 11:28 AM
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