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vendredi, mai 05, 2006

204. Peugeot.


Reçu un long mail de monsieur Pol, qui refuse très aimablement l'offre d'un abonnement d'un mois à Explicite que je lui avais faite pour me faire pardonner (vous vous souvenez des marques de vêtement sur la peau de la jolie demoiselle en casting?)
Voici des extraits de son courrier:

"Vous n'avez absolument pas besoin de vous faire pardonner ! J'ai parfaitement compris votre réaction.
Quant à votre proposition, je vous en remercie, mais...

Voyez-vous, je suis très partagé et en question par rapport à vos activités. Je m'explique... Je suis très intéressé, bien sûr, par la pornographie. Mais je suis aussi très soucieux du respect que l'on doit à l'Humain avec un grand "H", dans toutes ses composantes, dans toute sa réalité, dans toute sa spiritualité, dans toute son animalité. Et c'est ce qui me gêne, c'est le fait qu'on associe l'argent à la sexualité. Il y a là quelque chose qui me pose vraiment problème, c'est d'ailleurs pour cela que je lis attentivement votre blog, pour essayer de comprendre...
Je comprends que vous fassiez ce métier parce que cela vous permet de gagner votre croûte, et que peut-être vous ne voyez pas d'autres possibilités pour l'instant. Mais en même temps, j'essaye d'imaginer, sans bien comprendre, précisément, comme vous pouvez vivre ça, au fond de vous-même... [...]Pour moi le sexe est avant tout un échange de dons. Chacun donne à l'autre ce qu'il peut (et même le plus possible) pour le plaisir de l'autre et pour une certaine forme de "comm--union". Même le plaisir solitaire est une forme de communication avec soi-même, avec son être profond, avec son corps. Quand l'un des ces dons, qui entre dans l'échange, est de l'argent, je n'arrive plus à faire le lien, je ne comprends plus...
C'est pourquoi je me permets de refuser votre proposition, en espérant que vous n'en serez pas affecté, et en vous remerciant encore de votre attention à mon égard.
Pol"


C'est bien, hein ? J'aime les questions que pose ce monsieur.

Deux p'tites réponses.
Un : je ne fais pas ce métier "parce que cela me permet de gagner ma croûte, et que peut-être je ne vois pas d'autres possibilités pour l'instant". Ce métier, cher ami, est une vocation dans ma vie. Un cheminement personnel. Pas un arrangement pécuniaire. J'en suis fier. Ca m'a pris à 35 ans, alors que j'étais confortablement installé dans une vie de famille et des métiers bien rémunérés avec un chouette plan de carrière (littérature, télé...)
Deux. C'est effectivement un métier. Un artisanat. Seriez-vous choqué qu'un ébéniste fasse payer les chaises qu'il fabrique, qu'un boulanger vous demande des sous en échange du pain qu'il a cuit, qu'un peintre vende ses toiles, qu'un cinéaste fasse payer la diffusion de ses films, qu'une prostituée fasse payer ses services ? Bien sûr que non.
Ce qui vous pose problème, semble-t-il, c'est que le sentiment érotique, qui est la matière première de ce métier, soit exposé, vendu, au lieu de demeurer dans l'ombre de l'intime ? Mais, cher ami, le cinéma non pornographique se nourrit de sentiments et de pulsions aussi forts que le sexe. L'amour, la haine, l'angoisse, la violence, la mort, le sentiment religieux. (C'est pas très intime, ça, le sentiment religieux ?)Pour traiter de ces sujets, un cinéaste demande à ses comédiens un lâcher prise et des déchirements affectifs sûrement plus intenses qu'un pornographe à ses hardeuses. Et personne n'y trouve rien à redire.

Pourquoi la sexualité, qui n'est qu'une activité humaine parmi beaucoup d'autres serait-elle condamnée à un traitement particulier qui en rendrait la représentation problématique...? Ca fait douze ans que je pose cette question-là.

Ne confondons pas la chose elle-même (l'amour, le désir et le plaisir que vous voulez, devez, tentez de partager avec la personne qui vit avec vous) et la représentation du sexe, qui n'est qu'un spectacle, une illustration. Une image.


Le tournage de "explicite, le direct"
Un spectacle.

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17h 34.
Un long message. je vous le donne tel quel parce que je sais que vous êtes des gloutons de lecture...

"Salut John,
je ne sais si tu te souviens de moi, humble jeune homme que tu invitas à dîner voici déjà deux ans, après un message que je t'envoyai pour ton premier blog et qui t'avait touché (numéro -259). J'étais toujours sous le choc d'une rupture très douloureuse, j'étais vraiment mal, complètement paumé.
J'avais accepté avec plaisir ton invitation au resto car j'admire beaucoup ton oeuvre et ta spiritualité, et j'ai gardé un très bon souvenir de cette soirée. Pourtant, nous ne nous sommes jamais revus.
Pourquoi? D'abord, il est très probable que j'ai dû te laisser une impression assez faible, étant donné l'état où j'étais, la débâcle totale que je connaissais sur tous les plans à ce moment là, et la douleur affective qui me broyait encore, tout cela me rendait assez gauche et un peu trop réservé.
Mais il n'y a pas que cela et c'est là que je rejoins le message de Pol, et ses questions effectivement fort pertinentes.
De mon côté, il y a eu comme un blocage. Bien que je fus vraiment charmé par ta verve, ton esprit cultivé et original, ta sincérité évidente, je me suis rendu compte aussi que je rentrais dans un monde qui n'était pas le mien, je veux dire, un monde auquel mon éducation, mon enfance, ne m'avaient pas préparé. Un monde où les femmes se déshabillent en soirée sans complexe devant les autres, où l'on se livre aux autres très facilement (du moins, physiquement).
Je n'ai pas honte de dire que je suis formaté par l'idéologie occidentale moderne et chrétienne qui a bercé mon enfance (je ne suis pas croyant, mais les tabous eux, persistent dans nos mentalités au delà des croyances personnelles). Je combats cela mais c'est un inconscient dont il est difficile de se débarrasser. C'est ainsi, et sur le plan intime, je n'ai pas ces complexes. Mais en public, c'est une autre histoire.
Je me souviens qu'il y avait un de tes modèles avec nous ce soir là, une femme avec laquelle tu couchais à ce moment là. Relation qui ne pouvait que me surprendre, moi qui ai du mal à dissocier le sexe de l'amour. Quand monsieur Pol dit avoir du mal à comprendre que le don d'amour s'acoquine avec un don d'argent, il rejoint je pense, mes propres questions. Par ailleurs, il est probable que toi même tu sois tiraillé par le doute parfois, lorsque tu te demandes qui tu es vraiment, quel est l'homme sous le réalisateur et l'artiste derrière l'homme, en quoi ces deux facettes se distinguent, et jusqu'où ta sphère intime peut garder sa liberté par rapport aux activités professionnelles et publiques par lesquelles elle est absorbée (je me souviens ici d'un post que tu avais fait sur ton premier blog, dans lequel tu doutais de ton identité, voire de te sentiments , du fait de la confusion de tes rôles...)
Je ne critique absolument pas ton mode de fonctionnement. Je ne doute pas un seul instant que tes soirées, aussi débridées soient-elles, sont aussi très simples, joyeuses, bon enfant. J'admire toujours autant tes films, et ton engagement. Mais je sais que personnellement, j'aurais du mal à rentrer dans cet univers de façon intime, à devenir ami avec quelqu'un, qui finalement vit de façon vraiment différente de moi.
Autant je peux accepter ton univers et tes oeuvres de façon fantasmatique, y voir comme un paradis d'amour innocent, m'en réjouir et en jouir, autant j'ai du mal à l'intégrer à ma vie "réelle". Or ce soir là, je me suis aperçu que la frontière entre les deux n'était pour toi pas claire. C'est sans doute ce qui fait de toi un artiste entier; mais c'est aussi pour cela que des gens plus "ordinaires" tels que Monsieur Pol ou moi, avons du mal à y pénétrer sans un mouvement de recul, sans une certaine appréhension (lui en pensant à ton métier, moi en songeant à ta vie quotidienne).
Voilà, c'est un peu confus tout cela, je ne sais pas si c'est parfaitement clair. J'y reviendrais peut-être dans quelques jours avec un peu plus de réflexion. En tout cas, cela m'a fait plaisir de te parler à nouveau, preuve que malgré nos différences, je te trouve toujours aussi sympathique.
Et puis personnellement je vais bien mieux qu'il y a deux ans, aussi suis-je plus apte à me confier aujourd'hui et à réfléchir sur ma réaction d'alors.
Parenthèse en passant, ton dernier film Inkorrektes est sans doute l'un des meilleurs que tu aies réalisés (mention spéciale au passage d'Epictète, absolument bouleversant d'émotion et de spiritualité mêlées; ainsi qu' à la scène Mahé/ Titof, incontestablement la scène d'amour la plus belle et la plus tendre que j'ai vu dans le X depuis longtemps); j'espère donc que tu continueras sur cette lancée, et me réjouis que tu viens d'abandonner un nouveau film, pour avoir senti qu'il ne serait pas aussi personnel, et donc aussi bon.
Bonne continuation, et encore merci pour la soirée au resto la dernière fois, même si ca n'apparait pas clairement dans ce mail, cela reste un souvenir formidable pour moi, et mon seul regret est de n'avoir pas pu autant t'apporter, que toi tu m'as apporté ce soir là.
Thibaut"


Juste un p'tit mot, Thibaud. Le modèle, la "femme avec laquelle je couchais à ce moment là", c'était Lola Oolala, si je me souviens bien. Et j'ai quand même passé un an et demi avec elle... Du sexe sans amour ?... Elle serait pas contente si elle te lisait, Lola...



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18h 41
Hi hi

"Bonjour John,
Je comprends parfaitement le point de vue Pol, son regard critique, ses questionnements. Un mail tout en délicatesse qui prouve une nouvelle fois que cette personne fait preuve de bonsensisme, de discernement. Il serait vraiment dommage que cet échange cordial laisse un sentiment de vide, de non-fini, alors qu'il a permis à tous les lecteurs d'Inkorrekt de vivre un moment d'émotion et de réflexion.

En clair, si tu ne sais vraiment pas quoi faire de cet abonnement gratuit, pense à moi. Crois bien que, l'oeil vitreux et la gorge serrée, je me souviendrai ce sympathique et chevaleresque lecteur en rendant hommage à ton univers de pornographe.

Un lecteur non moins cordial et bonsensé,

;)

F.
PS: Bravo à JJP. Il existe une rubrique dans Spirou magazine qui ressemble à ses bêtises, quoique le thème principal diffère sensiblement. Bref, encore un truc pour grands enfants."


Et puis (quel courrier...!), il y a Sukia, toujours à propos du mail de Pol, qui me pose un milliard deux cent vingt-sept mille sept cent soixante-treize questions dont je vous copicolle trois. (Faut pas trop copicoller, ça fait mal aux cheveux)

"[...]Mais penses-tu que les filles qui viennent chez toi c'est pour « la représentation du sexe, qui n'est qu'un spectacle, une illustration. Une image. » ? Ou finalement, juste parce qu'elles ont vraiment besoin de fric?
Pourquoi certaines ne reviennent plus?

Pourquoi certaines font leur première expérience (peu importe la quelle) devant ta camera et pas dans leur vie privé? Ça aussi, me tue. je pige pas..
bref..

Et dans « la représentation du sexe, qui n'est qu'un spectacle, une illustration. Une image. » où se trouve le plaisir pour finir?"


1. J'ai déjà répondu très beaucoup souvent trop.
2. Idem. (le post n° chaipukombien sur "on est protégé quand on fait ça au studio, on n'est pas dans le monde réel) Dernier exemple en date : Maya, qui a fait sa première fellation au studio il y a trois jours et qui revient demain samedi pour faire une scène complète avec Seb.
3. Le plaisir, c'est de provoquer, de séduire. Le plaisir c'est de faire. Le plaisir c'est de jouer. Le plaisir c'est de se donner. Il n'y a pas grand chose de plus beau que le spectacle à mon sens. Et toi, Su Kia, pourquoi tu as tant envie de venir jouer dans le studio ? Hein ?

//// bavé par John B Root @ 1:01 PM

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