jeudi, avril 20, 2006
190. Stop.
Ca ne vous étonnait pas, vous, qu'à un mois du tournage je sois toujours hésitant sur le scénario de mon prochain film ? Pourquoi j'hésitais ? Parce que je ne parvenais pas à inventer un projet qui me procure suffisamment de plaisir, qui me semble être tout à fait cohérent et intéressant dans les conditions de production calamiteuses de ce printemps. Je ne l'écrivais pas, ce film, parce qu'au fond de moi, je n'y croyais pas vraiment ou parce que je pensais, sans m'en rendre compte, que c'était une bétise de le faire. Bétise économique s'entend.
Je vous épargne les détails, mais grosso merdo, ça fait deux ans que je rame pour que ma petite entreprise, après tous les cyclones tropicaux qu'elle a traversés depuis douze ans, devienne un joli petit bateau qui avance posément dans une mer sans icebergs ; mon internet, à force de boulot, commence tout juste à rapporter de quoi nous faire entrevoir la possibilité d'une île (ça va, Michel ?) ; alors bien sûr, je m'impatiente, je rêve de me remettre à faire des gros trucs gratifiants, de rassembler encore une fois la famille du cirque et de repartir dans des aventures, caméra sur l'épaule. Mais... Dans ces conditions-là ? En empruntant des sous ? En prenant des risques économiques qui ne permettront même pas de réunir assez d'argent pour faire un film dans des conditions décentes ? Mes films les moins chers coûtent au bas mot 50.000 euros, sans même que je me paie un centime, ni pour l'écriture, ni pour le tournage, ni pour le montage. Là, dans le meilleur des cas, on aurait pu en réunir 30.000. En prenant donc le risque de livrer un truc un peu quelconque, un porno de plus, constitué, comme les autres, d'une succession de scènes de uc liées entre elles par des ponts de comédie branlants, juste pour pouvoir se dire "ah ben quand même, on est en tournage"...?
Après 20 films diffusés sur C+, dont "Sextet", "24h d'amour", "XYZ", "French Beauty", "Inkorrekt(e)s" (à la fin duquel j'ai tué mes personnages, comme pour me dire à moi-même qu'une page se tournait), si je livrais une bouse de vache commerciale, je m'en voudrais. Ben oui, j'ai encore un peu foi en ce métier et encore un fond d'orgueil. Ca aurait servi à quoi, de se bagarrer pendant douze ans si c'est pour, à la fin, laisser le marché m'imposer la médiocrité ? Hein ?
Il y a une alternative. Celle qui consiste à continuer sur le chemin présent sans s'énerver, à consolider encore l'internet, à rendre explicite.com encore plus chouette, plus attractif, plus costaud sur le web international du trou de balle haut de gamme, à accumuler patiemment les sous qui me permettront enfin, dans trois mois, dans six mois, dans un an de dire "ok, ça y'est, on est costauds, on a les moyens de s'auto-produire". Et là, ce film-là qu'on fera parce qu'on a le pouvoir de le faire comme on l'entend, ce film qui ne devra rien à personne, il sera encore plus savoureux.
Ouais... Ca suppose que je ferme encore ma gueule, que je cesse de me projeter dans l'avenir et que je me concentre sur le présent. Que j'apprenne à améliorer l'existant au lieu de fuir dans la fiction.
Principe de réalité contre principe de plaisir. Le gagnant est... Fallait que quelqu'un prenne une décision. Je l'ai prise.
Je téléphone à tout le monde. Au château, aux acteurs, aux actrices, aux copains. Désolé m'sieur dames, j'annule. Il n'y aura pas de biroute à la télé cette année. Cékomssa.
//// bavé par John B Root @ 11:34 AM
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