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jeudi, décembre 08, 2005

83. La citation complète.


Un anonyme a publié dans les commentaires d'hier une citation de moi que voici que voilà.

"Les jours impairs, je sous-marine dans le marécage visqueux de l'auto flagellation. Je me dis que le porno est, et restera à jamais un genre pitoyable, méprisable et méprisé, un genre uniquement commercial, voué à la satisfaction immédiate de branleurs misogynes, un genre vide de sens, pratiqué par de pauvres marchands sans scrupules qui prennent à juste titre leurs acheteurs pour des frustrés, amateurs indécrottables de gros plans humides, et imperméables à toute recherche formelle, toute tentative un peu ambitieuse. Transgression ? Révolution ? Audace ? Pauvre garçon, où es-tu allé chercher une telle prétention ? Es-tu devenu autiste ? Tu ne fais que de banales vidéos commerciales à base de femmes à poil. Loin, tellement loin de toute créativité, de toute émotion artistique, de toute finesse. La vraie vie est ailleurs, pauvre branleur ! Dans la richesse d'expression des films normaux, ceux qui parlent vraiment du monde et des rapports entre les êtres humains, dans les livres, dans les documentaires, dans les émissions culturelles, dans la musique et la peinture !... La preuve que tes prétendus films ne sont pas intéressants, c'est qu'ils ne valent pas un sou de plus sur le marché du cul que les vidéos à trois balles de tes confrères amateurs. Arrête de prendre ta vessie pour une lanterne, Dugenou ! Personne n'a besoin de toi. Même si tes films étaient intéressants, ce qu'ils sont très loin d'être, sache qu'il n'y a aucune demande pour eux et que le prétendu consommateur de X cinéphile que tu espères n'existe pas ! Tu rêves de t'orienter vers des produits de plus en plus intéressants, avec des budgets de plus en plus gros et des scènes de comédie de plus en plus longues, mais tu sais parfaitement que c'est un leurre, un alibi, une piteuse excuse, que jamais le marché ne permettra que tu fasses un vrai long-métrage d'auteur parlant de l'amour physique, et que ça tombe très bien parce que, de toute façon, tu n'en es pas capable. Tu sais ce que c'est, le sexe, Biroute ? C'est le mot qu'on emploie pour décrire la gymnastique que pratiquent ceux qui ne s'aiment pas. Pas étonnant que ça t'intéresse tant aujourd'hui. Avoue-le, tu te réfugies derrière le commerce du cul parce que la vraie vie et la vraie création te font peur, parce que tu es stérile !
Ces jours-là, je reçois comme autant de gifles les commentaires narquois, condescendants ou choqués des secrétaires, commerçants, amis d'amis qui découvrent mon métier. Je souffre de vacuité. Je souffre d'insignifiance. Je me dis : "pourquoi, mais pourquoi donc ai-je sacrifié la littérature pour la jeunesse, le journalisme "honorable", les documentaires télé et ma vie de famille à cette cause pitoyable ? Pourquoi, alors que j'avais un avenir bien tracé de professionnel respectable, suis-je allé me perdre dans les marges ? Je vais dans les rues en baissant la tête, en fuyant les regards, en priant pour que personne ne me reconnaisse ou m'interpelle. Je cours me réfugier chez moi. Je bois et je me masturbe devant les pornos de mes confrères jusqu'à ce que s'éteigne en moi la dernière étincelle d'intelligence. Je me hais."


Réactions étonnées des lecteurs.
Cette citation vient de "Porno Blues" que j'ai écrit il y a cinq ou six ans. Mais recopiée hors de son contexte, elle n'a que la moitié de son sens. Elle faisait suite à ce paragraphe-là :

"Les jours pairs, lorsque je suis de bonne humeur, je me sens intéressant, audacieux, quasiment révolutionnaire ; je me crois investi d'un rôle social et je me demande même pourquoi mes films ne seraient pas remboursés par la sécurité sociale puisqu'ils plaisent tant et font tant de bien à tant de gens...! Je me promène dans les rues, fier d'avoir osé franchir la frontière qui sépare le bon goût - tellement ordinaire, frileux et quelconque, n'est-ce pas ? - du mauvais goût ; fier de porter bien haut le drapeau de la transgression. Je me téléphone à moi-même pour me féliciter et ça crée un Larsen si puissant que le monde entier, croyant à une alerte nucléaire, se couche par terre en se bouchant les oreilles. Dans les salles de montage, où se passe une grande part de ma vie professionnelle, je fais des sourires tranquilles à mes collègues réalisateurs de télé lorsqu'ils me jettent des regards étonnés. "C'est lui, Biroute, le pornographe ? disent leurs yeux. Il n'a pas la tête à ça..." Eh bien non, c'est vrai, il n'a pas la tête à ça : pas la tête d'un proxénète, ni d'un pervers, ni d'un primaire. Il n'a pas la tête à ça, et j'ose espérer que ça les turlupine, que ça les oblige à remettre en question leurs idées toutes faites sur la pornographie. A se demander, peut-être : "Et si le métier de fabricant de films X était un métier honorable ? Et si ce petit mec en baskets aux allures d'intello rigolard avait raison d'être content de lui-même...?" Au bureau, je stocke, comme preuve du bien-fondé de ma démarche, les articles de magazine qui disent du bien de mes productions. Je fais le compte des titres des organes de presse comme un général compte les hectares de terrain gagné sur le territoire ennemi. Libération, Les Cahiers du Cinéma, Vital, Entrevue, Nulle Part Ailleurs, Oui FM, Le Nouvel Observateur sont mes Iéna, Austerlitz et Arcole personnels. "Soldats, je suis fier de vous ! Nous étions enfermés dans un ghetto sordide mais, grâce à vos efforts acharnés, les murs de notre prison s'écartent. Déjà des partisans, courageusement échappés des lignes ennemies se pressent pour nous rejoindre, nos alliés sont de plus en plus nombreux. Bientôt sans doute nous serons assez forts pour déferler en plein jour dans le territoire de nos cul-serrés de voisins sans craindre leur riposte. Serrez les rangs et faites reculer la nuit par vos chants car l'heure de la victoire approche !" J'archive les lettres de consommateurs heureux, ceux qui me disent que pour la première fois de leur vie ils ont pu être excités sexuellement par un film sans avoir le sentiment d'être pris pour un mal comprenant ou un obsédé inculte. Je me vautre en grognant de plaisir dans la lie tiède de mon autosatisfaction de créateur intègre. Je regarde en arrière avec émotion, je me dis que les misères endurées pendant les années du début ont déjà produit des fruits merveilleux et qu'elles en produiront encore bien d'autres. Je sais qu'il reste un long chemin à parcourir avant qu'enfin les yeux de mes contemporains se dessillent tous et que la France entière découvre, ébahie, que le sexe filmé est un art estimable, émouvant et d'une richesse jusque là insoupçonnée, mais je ne doute pas un instant que ce chemin sera un sentier fleuri. Je trouve mon existence passionnante."

Quand j'étais môme, il y avait deux chiennes. La mère, Snouch et la fille, Lulu. Snouch adorait jouer au bâton avec nous. On lui lançait le bâton et elle le ramenait. Lulu, qui était trop bête pour comprendre la règle du jeu, cherchait à empêcher Snouch de jouer en lui mordant les pattes. On disait: "Snouch joue au bâton et Lulu joue à Snouch".


//// bavé par John B Root @ 11:06 AM

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